Dimanche 13 janvier 2019, sortie avec Dominique par 35 kts de vent !
5 NM, 1h10, Vmax 12kts, 1 à 2m de creux
Aujourd’hui, sortie par vent soutenu ! Depuis le départ de notre apprentissage, et même avant l’achat de Jasmin, j’ai demandé à Dominique de sortir un jour de “gros temps”, pour savoir si j’avais le cœur assez solide pour y faire face… C’est aujourd’hui que ça se joue…
La météo annonce pas mal de vent : la tramontane et le mistral n’ont pas cessé depuis le 30 janvier, ce qui est exceptionnel. Et ça ne semble pas encore près de s’arrêter. C’est donc l’occasion de tester Jasmin et son capitaine par conditions musclées. Ce matin, les différents modèles météo prévoient un vent à 20kts et des rafales à 30kts. Béa étant blessée avec son entorse du genou, nous ne serons que deux sur le bateau : ça va être intéressant.
Je suis venu un peu tôt pour tout préparer : il faut une petite heure pour que le bateau soit prêt à prendre la mer. Retirer toutes les protections, passer les amarres arrières en double pour pouvoir larguer facilement sans descendre au ponton, se changer, préparer les écoutes, vérifier le moteur et le propulseur, allumer l’électronique, coupler l’iPad, etc.
11h15. Le vent souffle fort, du NW. Je l’ai sur mon épaule droite en partant. Dominique se charge des amarres avant, j’ai en charge la sortie et la libération des arrières. J’allume le moteur, je libère mon amarre sous le vent, je libère celle au vent qui est bien tendue : Jasmin se met immédiatement à avancer. Très nettement : j’ai à peine le temps de détacher le bout qui me relie latéralement au filin de séparation des places et de le jeter comme je peux sur le ponton !
Je passe un instant la marche arrière pour éviter de prendre de l’élan et permettre à Dominique de récupérer les deux avant. Le bateau se met un peu de travers, vers bâbord, poussé par le vent. On sort plutôt bien de la place, je m’engage dans le bassin : la poussée du vent est très nette, on a des rafales à plus de 30kts. Dans le port ! Je ne le sais pas encore, mais rentrer dans la place tout à l’heure risque d’être sportif !
Je manœuvre avec soin, Dominique m’encourage à prendre un peu de vitesse pour être bien manœuvrant : une rafale aurait vite fait de nous pousser sur un côté, une jetée, un autre bateau.
Tiens, la capitainerie a hissé deux pavillons rouges : ça doit souffler dehors !
Dès la sortie du port l’état de la mer s’annonce sportif. Ça moutonne de partout, les vagues sont bien présentes, les creux de plus d’1m. Et le vent est nettement établi à 25/30kts hors rafales. Dominique annonce la couleur : la sortie ne va pas s’éterniser.
Je me place face au vent, NW (300°) pour sortir les voiles.
Le vent fouette fort, la GV est sortie juste un peu, Dominique s’occupe à la fois de la dérouler d’un côté et de reprendre son écoute sur l’autre winch. Sportif car le vent fait claquer la voile avec violence. La GV est sortie de moitié sur la longueur de la bôme, ce qui doit correspondre plus ou moins à ¼ de sa surface. On est techniquement à 3 ris dans la GV…
Nous sortons également la trinquette, juste un peu : je suis à la commande de l’enrouleur, Dominique reprend l’écoute sur le winch bâbord. C’est chaud, le moteur est à 2000 rpm pour nous permettre d’avancer un peu et de garder le cap. On prévoit un bord vent arrière, au SSW : la GV est bordée dans l’axe, la trinquette est bordée à bâbord, j’entame le virement de bord. Dynamique mais sécurit…
Le vent saute de temps à autre. Notre cap au 150° varie du 140° au 160° : pas si mal dans ces conditions. La barre est ferme, sans être dure. Le bateau réagit bien aux ordres. Ça secoue un peu, la mer est couverte de moutons, mais la navigation se passe bien. Nous filons 9 à 10 kts par 35kts de vent !
11h30, on s’éloigne un peu du vent pour tenir une allure plus travers : la gite augmente vite. On sent l’énergie fournie par le vent très nettement, malgré les deux bouts de toile qui équipent Jasmin. Je largue un peu de GV, le bateau se remet à plat, nous continuons à filer sur les vagues qui nous arrivent de travers.
Quelques minutes à ce régime : nous décidons de ne pas nous attarder.
Empannage vers la côte. La trinquette va passer toute seule, je la reprends sur le winch. J’ai d’abord remis la GV dans l’axe : pas question de faire passer la bôme en force.
90° plus tard nous nous dirigeons vers la côte, entre Port Camargue et La Grande Motte. Un bord vent arrière à 120° du vent, bâbord amure cette fois. Les vagues nous suivent au lieu de nous croiser, la navigation est plus confortable. Les creux, derrière nous, font entre 1 et 2m, impossible pour moi de les évaluer. Rien de méchant, rien d’alarmant, mais une belle trainée que je filmerai une prochaine fois… Nous filons 7 à 8 kts, c’est plus calme…
Quelques minutes à ce train et nous approchons de la côte. Je dis à Dominique qu’il est temps de virer de bord pour éviter de devoir le faire en urgence en cas de haut fond. Virement de bord à effectuer. Nous allons chercher un demi-tour complet pour nous éloigner de la côte, et repartir assez loin pour pouvoir remonter au près directement vers le port.
Dominique aux winch pour la trinquette, je borde la GV et j’envoie…
Pas assez vite : par ce temps la manœuvre doit être franche et rapide. J’ai négligé le fait qu’une fois bout au vent, par 35kts, le bateau resterait scotché et ne terminerait pas de tourner…
La trinquette fouette dans tous les sens, la GV claque, nous n’avançons plus, je ne suis plus manoeuvrant. Une seule solution : allumer le moteur, prendre un peu de vitesse pour finir de tourner…
Cap 210°, la trinquette est bordée, nous sommes à nouveau lancés à 7 ou 8 kts. Au près. Le bateau saute sur les vagues. Enfin, si on peut parler de « sauter » pour un voilier de 18m et de plus de 25t! L’étrave s’enfonce (peu, soyons honnête) dans les vagues qui nous arrivent presque de face, soulevant des gerbes d’embruns qui arrivent parfois à dépasser la capote ! C’est un instant riche en émotion. Je me sens en sécurité mais je suis bien conscient de l’énergie qui nous entoure…
Il nous faudrait aller loin pour pouvoir rentrer sur un seul bord au port : Dominique craint que le vent ne forcisse, je le suis dans ce constat, décision est prise de rentrer.
Nouveau virement de bord, direction La Grande Motte, je me fais emporter par le vent qui me fait presque faire demi tour une fois de plus. Je corrige, met le cap au 300° (plus ou moins), et nous rentrons la trinquette. Enfin, nous essayons : l’enrouleur électrique coince, comme l’autre jour. Dominique va à l’avant (pas attaché) et aide tant bien que mal à enrouler la voile, tour après tour. J’ai allumé le moteur pour rester opérationnel, nous avançons à 5 ou 6 kts.
Moins d’1/4 d’heure après nous entrons dans le port, après avoir rentré la GV, qui nous a aidé à stabiliser le bateau sur le retour.
La circulation dans le port est aisée : il n’y a personne. En revanche le vent souffle encore pas mal, Jasmin doit être fermement tenu sur sa route pour ne pas dévier.
Je m’engage dans le bassin d’honneur, un peu stressé. Dominique a préparé les deux amarres avant, de longueur fixe. Nous n’avons pas préparé les pare-battage. Un oubli fâcheux, sans conséquence aujourd’hui, mais à ne pas reproduire !
Je dépasse mon emplacement, j’ai revu la manœuvre en esprit. Aller assez loin, rester au centre du bassin, faire marche-arrière en ligne droite, engager l’arrière du bateau contre le vent en visant le poteau au vent, corriger au propulseur, laisser Dominique se débrouiller avec les amarres, au besoin arrêter le bateau pour attraper les poteaux…
Il faut y aller. J’engage la marche arrière : le vent me poussant, il faut un peu de temps avant que le mouvement s’inverse. Tout droit, pas trop vite, pas assez d’après Dominique. Il a raison mais le stress de la rentrée par grand vent me fait prendre une allure trop prudente…
J’engage mon virage, probablement un peu trop tôt et pas assez franchement : l’arc de cercle est grand, je me dirige bien vers le poteau au vent mais Jasmin est de travers quand nous l’atteignons. Dominique passe l’amarre avant sous le vent : elle va me poser un problème immédiat. Je pivote le bateau avec le propulseur, étrave vers tribord, ce qui me dégage l’arrière. Mais le vent continue à me pousser à bâbord, et le bateau pivote complètement pour aller se mettre en biais dans l’autre sens, retenu par son amarre avant.
Marche avant pour me dégager (le moteur est puissant, l’hélice est performante, heureusement). Et le ballet se poursuit un petit moment. Je me demande si je vais y arriver, mais pas question d’échouer ni de casser quoi que ce soit. Je tiens le bateau au moteur…
Au bout d’un moment, je propose à Dominique de frapper la grande amarre à tribord, de l’entourer autour du poteau près duquel je peux le rapprocher, et de déhaler le bateau dans l’axe, évitant ainsi de faire pivoter son cul à bâbord. Allez, on y va : pari gagnant.
A peine dans l’axe et attaché, je reprends ma marche arrière jusqu’à être près du ponton. Les avants sont tendues, je laisse le moteur en prise en marche arrière pour éviter le yo-yo et permettre à Dominique de sauter à terre. Je lui envoie l’amarre arrière tribord, au vent : ça y est, nous sommes attachés. Il ne reste plus qu’à ajuster rapidement, je corrigerai ça plus tard…
Moteur coupé, il est midi 20.
Quelques compléments :
- L’enregistrement du tracé dans Weather 4D n’a pas fonctionné, je ne sais pas pourquoi
- J’ai repris et tenu les amarres arrières. Mais à cause du vent j’ai du rallume le moteur en prise arrière pour avoir assez de mou.
- Ces amarres sont trop grosses, pas facile d’en passer deux sur chaque taquet : à revoir
- Les avant de taille fixe sont pratiques sans vent mais avec du vent établi deux amarres longues seront plus sûres
- Globalement Dominique m’a dit que je m’étais bien débrouillé durant la navigation, il m’a confirmé qu’un tel vent, en Méditerranée, était vraiment à éviter car il peut forcir en quelques instants et rendre la navigation dangereuse. Le même vent, laminaire, sur plusieurs jours, sous les tropiques est monnaie courante. Mais sans variation (sauf les passages des grains)
- Je me suis bien débrouillé (dixit Dominique) pour la manœuvre de rentrée, même si elle était un peu hasardeuse et épique (dixit moi). Mais le bon point est que je n’ai pas paniqué, ce qui est essentiel.